Les écoles à Bruxelles n’ont pas besoin de police linguistique, mais de professeurs

03-12-2024

'L'Air de la Ville Rend Libre' ('Stadslucht Maakt Vrij') est une initiative politique ouverte visant à développer une vision libérale de la ville et des politiques urbaines, en mettant l'accent sur les opportunités et le pouvoir innovant de la ville. 

@Gatz/Leysen/vanRouveroij, 2004 / Imane Belguenani, 2024

Orhan Agirdag est professeur de pédagogie à la KU Leuven et à l'Université d'Amsterdam. Dans un blog de son département, il affirme que "la maîtrise du néerlandais n'est pas une condition préalable à de bonnes performances scolaires, mais le résultat d'un enseignement de qualité." Il réagit ainsi à l'obsession pour le néerlandais dans l'éducation, illustrée par la proposition du nouveau gouvernement flamand de supprimer les allocations familiales si les parents n'ont pas une maîtrise suffisante de la langue.

Le professeur Agirdag ne réalise qu'à moitié à quel point son observation est pertinente dans le contexte bruxellois. Et il ne réalise qu'à moitié à quel point le problème est profond.

Il est en effet très profond. L'obsession pour le néerlandais est compréhensible, mais cela ne la rend pas juste pour autant. Elle remonte à une époque où le néerlandais était sous pression, en Flandre et à Bruxelles, souvent en raison d'une politique de francisation délibérée. Mais aujourd'hui, le néerlandais n'est plus sous pression.

À Bruxelles, le néerlandais est synonyme de multilinguisme, de prestige, de nouvelles opportunités... Nous devons arrêter de nourrir cette obsession linguistique et maintenir cette position de victime.

Ce qui aggrave encore la situation, c'est le manque de connaissance de la ville d'arrivée et l'incompréhension de l'enseignement urbain qui en découle.

Les écoles à Bruxelles n'ont pas besoin de police linguistique, mais de professeurs. Avec une prime urbaine ou une prime bruxelloise pour les enseignants, nous pourrions nous assurer que les meilleurs enseignants, ceux avec le plus d'expérience, enseignent aux enfants qui en ont le plus besoin. Le système actuel transfère des ressources (via les salaires des enseignants) des enfants les plus défavorisés vers les enfants les plus favorisés. Des villes vers la périphérie !

La lutte linguistique a probablement été la plus intense à Bruxelles. Mais c'est aussi à Bruxelles que le calme est revenu en premier, et que la nouvelle réalité – celle d'une ville d'arrivée – s'est imposée. L'enseignement urbain est essentiel pour l'intégration des nouveaux arrivants. Les écoles ont besoin d'un soutien adapté pour gérer cela. Et notre langue en bénéficie : le néerlandais progresse à Bruxelles, même parmi les nouveaux arrivants.

La ville est une machine d'émancipation. C'est l'idée principale derrière 'L'Air de la Ville Rend Libre' ('Stadslucht Maakt Vrij'). Des centaines de milliers de personnes de Flandre, de Wallonie et du monde entier viennent dans notre capitale pour saisir leur chance, construire une vie pour eux et leur famille. La ville est une machine d'émancipation. L'éducation en est le moteur.

Imane Belguenani

Bruxelles, 27 novembre 2024

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Suggestions de lecture et points de vue supplémentaires :

- Prof. Dr. Orhan Agirdag: "Même en Flandre, il existe des écoles qui obtiennent d'excellents résultats alors que leur public est principalement constitué d'élèves défavorisés et allophones. Ces écoles considèrent la maîtrise du néerlandais non pas comme une condition préalable à un bon enseignement, mais comme le résultat de leurs efforts collectifs. Avec un enseignement de qualité, aucun enfant n'est défavorisé. Et cela, nous l'avons oublié, au nom du néerlandais." Lisez ici le blog 'In de naam van het Nederlands'.


L'OCDE confirme le problème selon lequel les meilleurs enseignants, les plus expérimentés, se retrouvent souvent devant des classes d'élèves favorisés et vice-versa : "L'accès inégal des élèves défavorisés à des enseignants et un enseignement de qualité est un véritable problème. (…) Dans de nombreux pays, les enseignants les plus qualifiés et expérimentés sont moins souvent présents dans les écoles défavorisées ; plus cette situation est répandue, plus la différence de performance des élèves liée au statut socio-économique est importante. Ces résultats suggèrent que la plupart des pays pourraient mieux surveiller la répartition des enseignants dans les écoles : leur nombre, mais aussi leurs qualifications, leur expérience et leur efficacité. Toute politique visant à réduire les inégalités devrait s'efforcer d'allouer des enseignants de qualité, et pas seulement davantage d'enseignants, aux élèves les moins favorisés." Lisez ici l'étude de l'OCDE 'Effective Teachers Policies'.

- Sur la ville d'arrivée, je recommande la critique du livre 'Arrival Cities' de Doug Saunders dans The Guardian"Ces migrants ne sont pas des victimes passives. Ce sont des opportunistes, prenant un pari sur l'avenir dans un monde en voie d'urbanisation. Ils représentent le meilleur de l'humanité, pas le pire." Lisez ici la critique 'Arrival Cities : How the Largest Migration in History is Reshaping our World' par Doug Saunders.


- Le ministre Sven Gatz, responsable de l'enseignement néerlandophone à Bruxelles, a plaidé à plusieurs reprises ces dernières années pour une prime bruxelloise ou une prime urbaine : "À terme, il faudra vraiment mettre en place une prime bruxelloise pour les enseignants à Bruxelles. Enseigner dans une grande ville est particulièrement complexe (une telle prime existe déjà depuis plus de vingt ans pour la police à Bruxelles, pour des raisons similaires). Pour moi, cela pourrait également être une prime urbaine (des contacts avec Anvers et Gand ont été établis). Le néerlandais pour Bruxelles, le multilinguisme pour nos enfants, cela mérite une reconnaissance." Lisez ici l'opinion de Sven Gatz dans BlueTalks 'L'éducation est le meilleur tremplin' (mars 2024).

- Regardez ici le débat dans la commission de l'Éducation du Conseil de la Commission communautaire flamande, dans lequel Imane Belguenani est intervenue (27 novembre 2024). 

- Lisez ici l'article d'Imane Belguenani sur son intervention dans la commission mentionnée ci-dessus.